Histoire
268 : (Aspasius) Paternus II, Marinianus coss.
À la nouvelle de la défection d’Auréolus qu’il avait chargé de la défense de la Rhétie contre les barbares et de l’Italie du nord contre une éventuelle offensive de l’empire gaulois, l’empereur Gallien quitte les Balkans où sa victoire sur la rivière Nestos, dans le massif du Rhodope, au printemps 268 avait enfin rétabli la situation militaire romaine face aux Goths Hérules.
Laissant la poursuite de la guerre à son dux Marcianus, Gallien parvient en Italie du nord devant Milan, où Auréolus a établi son quartier général et dont il utilise l’atelier monétaire pour battre monnaie - au nom de Postume et sans prétendre lui-même à la pourpre. Auréolus, battu, est assiégé dans Milan, mais Gallien est assassiné par une conspiration d’officiers de son état-major au tournant d’août-septembre 268. Parmi eux, à côté du préfet du prétoire Héraclianus figurent certainement Claude et probablement Aurélien.
Claude est proclamé empereur. À son accession, il était sans doute à la tête de la cavalerie, un commandement où Gallien l’avait nommé quelques mois auparavant, en remplacement d’Auréolus. Celui-ci, qui pensait pouvoir négocier son pardon auprès du nouvel empereur, est éliminé rapidement. L’armée impériale entre à Milan où un somptueux donativum d’or est préparé et distribué pour calmer d’éventuelles oppositions et faciliter les ralliements.
En Rhétie, le repli en Italie du nord de l’armée romaine commandée par Auréolus avait laissé le champ libre aux Alamans entre limes rhéno-danubien et Alpes. La première tâche de Claude II est d’affronter une vague d’envahisseurs qui après avoir franchi les Alpes se déversait en Italie padane : la victoire romaine du lac de Garde met un coup d’arrêt à l’invasion et vaut à Claude le titre de Germanicus maximus (CIL XII, 2228, datée de 269). À la fin de l’année 268, Claude peut faire son entrée à Rome pour y fêter son accession, sa victoire sur les Alamans et y revêtir le consulat le 1er janvier 269.
269 : Imp. Caes. M. Aurelius Claudius Aug., Paternus coss.
Face à l’empire gaulois, Claude met en place une ligne de défense avancée dans l’est de la Narbonnaise : un corps expéditionnaire sous le commandement de Iulius Placidianus, préfet des vigiles et bientôt préfet du prétoire vient stationner à Cularo/Grenoble. Mais le statu quo armé entre l’empire central et l’empire gaulois se maintient. Les habitants de la ville d’Autun en font la dure expérience : devant cette avancée de l’armée impériale à l’est du Rhône, ils se révoltent contre l’empire gaulois ; ils paieront leur erreur tactique d’un long siège de sept mois par Victorin et de l’exil de leurs élites après leur défaite.
L’urgence militaire se situe à l’autre extrémité de l’empire : l’invasion hérule à peine matée par Gallien est suivie d’une vague gothique venue de Mer noire. Une coalition de Goths, Hérules et Peuces partie de l’embouchure du Dniestr à bord d’une nuée de bateaux – Zosime évoque 6 000 navires et 320 000 hommes – ravage les côtes de Mésie inférieure sans pouvoir prendre les villes de Tomi et de Marcianopolis. La flotte gothique traverse le Bosphore et passe en Propontide où les violents courants coulent une partie des navires. Les Goths attaquent sans succès Byzance et Cyzique et parviennent en mer Égée. Alors qu’une partie de la flottille gothique poursuit vers le sud contournant la Thessalie et la Grèce, ravageant les campagnes sans pouvoir prendre les villes hâtivement fortifiées après le raid hérule précédent, une autre partie de la flotte barbare parvient en Chalcidique où elle atterrit afin de se reconstituer, puis les Goths établissent un siège terrestre devant les villes de Cassandrée/Potidée et Thessalonique sans réussir à les prendre.
À la nouvelle de l’approche de l’armée impériale, ces bandes s’enfoncent dans les terres en Macédoine, dans la région de Pélagonie, où elles affrontent le premier assaut, celui de la cavalerie dalmate – peut-être menée par le futur empereur Aurélien que Claude avait chargé à son tour du commandement de la cavalerie.
Les Goths seront écrasés plus au nord, en Mésie supérieure dans la vallée de la Morava près de Niš/Naissus. Zosime évoque le chiffre de 50 000 morts du côté des barbares. Malgré de lourdes pertes romaines, la bataille est un succès éclatant et vaut à Claude II le titre de Gothicus maximus. La victoire gothique est datable de l’automne 269.
Le refoulement des barbares, affamés et décimés par la peste, par la cavalerie romaine vers la Macédoine, puis la Thrace et les montagnes de l’Hémus et leur anéantissement final par les légions prit de longs mois jusque dans le courant de 270, particulièrement du fait des dissensions dans le commandement militaire romain entre infanterie et cavalerie.
270 : Flavius Antiochianus II, Virius Orfitus coss.
L'expansion de Palmyre
Pendant que l’empire lutte contre l’invasion gothique, un nouveau danger a surgi d’Orient et des ambitions des princes de Palmyre. L’assassinat d’Odénath et de son fils aîné Hérodien fomenté par Gallien (datable par les monnaies de Vabalath de l’année égyptienne août 267-août 268) avait mis un coup d’arrêt provisoire aux visées politiques et économiques de Palmyre. Mais sous le règne de Claude II, le royaume palmyrénien sous la régence de la reine Zénobie est passé de nouveau à une phase active de son expansionnisme car il a les mains libres : l’empire sassanide cherche un successeur au vieux roi des rois Sapor ; les armées et les flottes romaines sont occupées à traquer les bandes gothiques dans les Balkans et en Méditerranée orientale.
La mainmise palmyrénienne sur les provinces romaines est d’abord silencieuse. Plus qu’une expansion armée, il s’agit du contrôle qu’exercent des factions pro-palmyréniennes sur des cités importantes et des centres de pouvoir stratégiques. La Syrie passe aux mains des Palmyréniens en 270, avant la mort de Claude. Les 3e et 4e émissions de l’atelier monétaire d’Antioche, la 4e surtout, bien différente des émissions de consécration ordonnées dans le reste de l’empire à la mort de Claude II, sont commanditées par les princes de Palmyre : on y voit apparaître un répertoire iconographique totalement nouveau où figurent des paires de divinités, majoritairement une masculine, l’autre féminine, qui font avec discrétion allusion au double patronage de Vabalath et de Zénobie.
De Syrie, les Palmyréniens gagnent les provinces anatoliennes, jusqu’à Ancyre de Galatie, voire jusqu’en Bithynie et la ville de Chalcédoine qui leur résistent à l’annonce de la proclamation d’Aurélien. La frappe provinciale et civique hellénophone se tarit, certains ateliers monétaires de Pisidie sont définitivement fermés. En direction du sud, l’Arabie passe aux mains des Palmyréniens malgré la résistance des forces romaines notamment celle de la Légion III Cyrénaïque à Bostra. La Via Nova, grande voie stratégique et commerciale reliant la Syrie et la Mer rouge, tombe entre les mains palmyréniennes.
Les Palmyréniens mettent à profit l’absence du préfet d’Égypte Tenagino Probus, chargé par Claude II de pourchasser le restant de la flottille gothique éparpillée en Méditerranée orientale, pour conquérir l’Égypte. Un parti pro-palmyrénien mené par un certain Timagène, un Égyptien de souche, avait préparé le terrain de l’intérieur, lorsqu’une première campagne conduite par le général palmyrénien Septimius Zabdas vainc les troupes romaines d’Égypte dans une bataille rangée. L’armée palmyrénienne se retire en laissant sur place une garnison de 5 000 hommes. À cette nouvelle, le préfet Tenagino Probus fait retour sur le sol égyptien et en chasse la garnison palmyrénienne. Une nouvelle guerre rangée oppose alors l’armée impériale aux forces palmyréniennes. Tenagino Probus et son armée sont victimes d’une embuscade tendue par Timagène : le préfet Probus, capturé, se suicide.
Pendant que les princes de Palmyre profitent des difficultés romaines pour se rendre maîtres de tout l’Orient (c’est à Aurélien qu’il reviendra plus tard de mener campagne contre Palmyre, Claude laissant une part de son armée achever la pacification de la Mésie et de la Thrace quitte les Balkans au début de l’été 270 pour gagner les Pannonies menacées par une invasion vandale. Claude se trouve à Sirmium avec son état-major lorsqu’il meurt de la peste en août 270. Les tétradrachmes alexandrins datant de son an 3 (après le 29 août 270) sont nombreux et des papyri attestent qu'on ignorait encore sa disparition dans la chôra en septembre-octobre 270. Par ailleurs, d’autres documents égyptiens montrent que le 12 octobre 270 on connaissait en Égypte deux nouvelles importantes, la mort de Claude et la lutte pour le pouvoir entre Quintille et Aurélien : pendant une période qui s’étend au moins jusqu’au 11 novembre 270, les papyrus ne sont pas datés par un nom d’empereur, mais portent la formule vague « sous les consuls de l’année en cours » qui traduit l’embarras des scribes devant cette situation politique confuse. Sur la même période, dans le Delta, l’atelier d’Alexandrie émettra brièvement au nom de Quintille, puis au nom d’Aurélien an 1, jusqu’à ce que Vabalath fasse son apparition au revers des tétradrachmes alexandrins, à une date que le parallélisme avec les papyri permet de fixer en décembre 270.
Questions de chronologie : les monnaies datées
La documentation numismatique ne permet pas de revenir, pour la mort de Claude II, à une date aussi haute que le début de 270, comme il l’a été parfois proposé. Les monnaies de Claude II ne sont pas d’un grand secours pour la datation du règne car si les émissions des divers ateliers peuvent être mises en séquence dans leur succession relative, elles n’offrent pas de point d’accrochage chronologique absolu. Les rares monnaies « datées » du règne portent des puissances tribuniciennes mentionnées sans itération : P M Tr Po P P, la louve et les jumeaux, émis par l’atelier oriental SPQR identifié avec Smyrne ne mentionne pas le consulat et date donc encore de 268 ; P M Tr P Cos P P, figurant Apollon assis, de l’atelier pannonien de Siscia, quatrième et dernière émission, fait allusion à la 3e Tr P revêtue à partir du 10 décembre 269. Les monnaies de l’atelier de Milan, 2e émission, portant à l’avers des bustes consulaires de l’Empereur, sont postérieures au 1er janvier 269.
Seul l’atelier de Rome émet des revers où la puissance tribunicienne est itérée, et il s’agit exclusivement de la 2e Tr P (10 décembre 268-10 décembre 269), avec le revers des antoniniens P M Tr P II Cos P P des 1ere-2e émissions (empereur en toge à gauche) et de la 3e émission (empereur en costume militaire à droite). La même datation apparaît aussi sur un aureus et un médaillon.
Rome n’émettra pas de monnaie mentionnant la 3e Tr P (après le 10 décembre 269). Pour analyser cette anomalie, liée au seul atelier de Rome, il faut tenir compte de trois facteurs : l’état de désorganisation de l’atelier de Rome depuis les grandes émissions d’inflation de Gallien, séries du 7e consulat et du Bestiaire, c’est-à-dire depuis au moins l’année 266 ; les frappes frauduleuses produites à la périphérie même de l’atelier de Rome, voire à l’intérieur même de la Monnaie ; les tentatives de réaction impériale à ces abus, avant la répression brutale qu’Aurélien exercera en 271 contre les monétaires de l’atelier de Rome. De l’absence de monnaies datées de la 3e puissance tribunicienne de Claude II, on peut déduire que Rome a été mis officiellement au chômage au début de 270, mesure qui n’a sans doute pas empêché la production monétaire frauduleuse de s’y poursuivre avec la frappe des types des émissions précédentes, y compris ceux datés de la 2e Tr P, désormais périmés. Rien n’autorise à déduire des témoins numismatiques que Claude II est mort au début de 270. En effet, la 3e puissance tribunicienne de Claude II, qu’il revêt après le 10 décembre 269 et qui n’apparaît pas sur le monnayage émis à Rome, est en revanche bien attestée par les inscriptions (3e Tr P : CIL II, 1672 (Bétique) ; CIL III, 3521 (Pannonie inférieure, Aquincum) ; 2e Tr P et 2e consulat : CIL VIII, 23972 (Afrique proconsulaire) ; 3e Tr P et 2e consulat : CIL XVII/2, 159 (Narbonnaise) ; CIL II, 3834 (Tarraconaise) ; CIL VIII, 4876 (Numidie proconsulaire).
La mention d’un 2e consulat (attesté, outre les inscriptions citées ci-dessus, par deux autres tituli de Tarraconaise (CIL II, 3619, 4505) rend apparemment compte d’une designatio de Claude pour un consulat que, pris dans l’urgence de la guerre gothique, il ne revêtit finalement pas au 1er janvier 270. Les consuls de l’année 270 furent des membres de l’aristocratie sénatoriale, le préfet de la Ville, Flavius Antiochianus, consul pour la deuxième fois, et Virius Orfitus, peut-être le même personnage que le préfet de la Ville de 273-274. Un groupe de monnaies émises à Rome paraît mentionner un 2e consulat de Claude, P M Tr P Cos II P P, empereur en toge à gauche, mais il s’agit en fait d’une erreur de gravure portant sur un seul coin, sur lequel le scalptor a inversé la légende d’un type courant de la 2 émission, P M Tr P II Cos P P. En effet, les monnaies répertoriées sont issues d’un seul et même coin de revers et leur titulature Imp C Claudius Aug les classe dans la 1re émission de Rome alors que la mention d’un 2e consulat devrait situer ces monnaies dans la 3e et dernière émission de Claude à Rome (titulature Imp Claudius Aug).
D'après Zonaras, Claude II mourant aurait désigné Aurélien comme son successeur devant l’état-major rassemblé à Sirmium, ce qui n’implique pas forcément qu’Aurélien ait été présent en personne. Au contraire, le fait que l’armée ait proclamé le frère de Claude, Quintille, et que le Sénat à Rome l’ait reconnu empereur tend à prouver qu’Aurélien était resté sur le Bas-Danube pour combattre les dernières offensives gothiques : en effet, des Goths menaçaient de nouveau Nicopolis en Mésie inférieure et Anchialos en Thrace sous le règne de Quintille.
Le choix de Quintille comme successeur légitime de Claude était dicté par l'urgence et la proximité, mais aussi par la compétence du candidat. Quintille en effet se trouvait alors en Italie du nord dont il assurait la protection à la tête de l’armée d’intervention cantonnée à Milan, tâche difficile que Claude ne pouvait avoir dévolue qu'à un homme de confiance. L'accession de Quintille au pouvoir est reconnue partout dans l'empire : tous les ateliers monétaires frappent à son nom, y compris Alexandrie d’Égypte. À Antioche de Syrie, déjà passée sous le contrôle de la dynastie hairanide, les dernières émissions au nom de Claude II sont assurées sous administration palmyrénienne. À Rome, la seule émission d’antoniniens au nom de Quintille mais qui fut abondante, eut lieu en son absence et sans frappe d'or pour célébrer son accession : Quintille n'eut pas le temps de venir chercher sa reconnaissance officielle dans la capitale.
Par contre, les deux émissions d’antoniniens à Milan, et la richesse du donativum d'or qui y fut frappé à l’intention de l’armée, montrent que Quintille avait là son quartier général. Quant aux ateliers de Siscia et de Cyzique, ils passèrent très vite aux mains d'Aurélien après une brève série d’antoniniens au nom du frère de Claude II.
Les sources divergent à propos de la durée du règne de Quintille : le Chronographe de 354 indique 77 jours de règne, Eutrope évoque par contre 17 jours de règne seulement, version que suivent aussi l’Histoire Auguste, Orose, Saint-Jérôme, le Syncelle et Zonaras. Les divergences viennent peut-être du fait que le Chronographe de 354 prend en compte la durée totale du règne de Quintille, de sa proclamation par l'armée à son élimination à Aquilée, les autres sources ne retenant que la durée pendant laquelle Quintille régna seul avant qu’Aurélien ne soit proclamé à son tour empereur. Le règne de Quintille aurait ainsi débuté vers la mi-août pour s’achever au début de novembre 270, la proclamation d’Aurélien à Sirmium datant du début septembre. Une durée de règne pour Quintille réduite à quelque 17 jours est contredite par le volume important des frappes monétaires à son nom.
L’épigraphie a livré deux inscriptions au nom de Quintille Augustus, l’une de Maurétanie césarienne et l’autre de Sardaigne. Une troisième inscription, provenant de Sardaigne aussi, est particulièrement intéressante puisque Quintille n’y est défini comme Auguste que dans un second temps, après regravure de la pierre et retouche de l’inscription. C’est une borne milliaire dédiée en 268 à l’empereur Claude par Quintille lui-même, alors procurateur de la province de Sardaigne : en 270 à l’accession de Quintille, l’inscription a été maladroitement regravée et la dédicace à Claude a été remaniée pour passer du singulier au pluriel invictis Augg (Augustis).
Les campagnes militaires du début du règne d’Aurélien (septembre 270 – mi-271)
Les lacunes des sources rendent difficile la reconstruction des campagnes du début de règne. Il semble assuré qu’il faut intervertir l’ordre dans lequel les deux fragments de Dexippe concernant ces campagnes figurent dans les Excerpta de legationibus gentium ad Romanos de Constantin Porphyrogénète, une reconstruction qui paraît conforme aux témoignages de la numismatique.
Du Danube inférieur où l'atteint la nouvelle de la mort de Claude, Aurélien se hâte de gagner la Pannonie pour se mettre à la tête de l’armée qui s’y trouve rassemblée, peut-être plus pour y commander les opérations militaires contre l'invasion vandale que dans l’intention d’y revendiquer le pouvoir. Il est proclamé empereur par l'armée basée à Sirmium et l'atelier pannonien de Siscia commence aussitôt à émettre à son nom (septembre 270).
L’utilisation de Sirmium comme quartier général et la mention de Sarmates Iazyges à côté des envahisseurs vandales indique que la zone menacée se situe dans la plaine hongroise entre Danube et Tisza, en face de la Pannonie inférieure. La campagne vandale est courte, une victoire impériale amène les barbares à négocier. Un traité d'alliance est conclu : des otages sont livrés, 2 000 cavaliers vandales entrent dans les forces auxiliaires romaines, le restant des forces vandales est escorté, pourvu de vivres, jusqu’au Danube.
Aurélien ordonne la préparation d'une libéralité impériale par l'atelier de Siscia afin de célébrer deux événements, la victoire sur les Vandales et la défection des armées de Quintille au profit d’Aurélien : le frère de Claude en effet, qui s’était porté contre son rival, est éliminé par ses propres troupes à Aquilée avant même d’avoir pu passer les Alpes juliennes au début de novembre 270.
Mais Aurélien est contraint de quitter la Pannonie à peine le traité avec les Vandales conclu à la nouvelle que les Juthunges ont envahi l'Italie : le départ de Milan de l’armée d’intervention commandée par Quintille a laissé toute l’Italie padane sans défense. Dexippe évoque « le nouveau retour des Juthunges » en Italie : c’était en effet la troisième fois en dix ans que les Juthunges, cette fois encore ligués avec les Alamans, envahissaient et pillaient le territoire nord-italien : au printemps 260, Gallien avait arrêté une invasion en Italie du nord, l’armée hétéroclite levée en Rhétie et commandé par le gouverneur par intérim M. Simplicinius Genialis avait écrasé les barbares dans leur retraite avant qu’ils ne franchissent le Danube ; à l’automne 268, c’était au tour de Claude II d’arrêter une autre invasion au bord du lac de Garde.
Il semble qu’Aurélien n'eut pas de mal à éliminer une première vague d'envahisseurs, mais qu'il commit alors l'erreur de sous-estimer la menace barbare sur l'Italie : il s'établit à Milan, dans le quartier général de son rival Quintille vaincu, pensant y hiverner et consolider son pouvoir auprès de l’armée. Il fait frapper par la Monnaie milanaise un important donativum d'or, dont le message iconographique reprend celui diffusé peu auparavant à Siscia en célébrant la Concorde retrouvée entre les armées de Quintille et d’Aurélien, mais y ajoute aussi un appel au rétablissement des frontières de Pannonie et de Dacie.
Ce programme de reconquête des provinces balkaniques se révèle dépassé aussitôt que conçu : l'invasion alamannique et juthunge se développe de façon foudroyante en Italie du nord au tournant de 270-271, les Juthunges trouvant à l'est un accès à travers le Norique vers l'Italie par la Via Iulia Augusta, les Alamans suivant pour leur part les voies de Rhétie, celle du Rhin supérieur ou la Via Claudia Augusta. La mobilité des cavaliers barbares les rend insaisissables et l’armée impériale s’épuise à les poursuivre. Les razzias ravagent les campagnes de l’Italie padane, même si les bandes germaniques évitent les grandes villes bien fortifiées de la plaine du Pô. Le premier contact avec les barbares est un désastre, Aurélien est battu à Plaisance. Les voies Cassia et Aemilia sont ouvertes aux envahisseurs.