271 : Imp. Caes. L. Domitius Aurelianus Aug., Pomponius Bassus II coss.


La panique gagne Rome menacée, où éclatent des troubles. Des mesures d'exception sont prises par le Sénat, dont la consultation des Livres Sibyllins, mais on peut écarter l’hypothèse d’une sédition sénatoriale : en janvier 271, comme c'est la procédure normale, Aurélien est appelé au consulat, avec pour collègue l’un des membres les plus prestigieux de la classe sénatoriale, Pomponius Bassus, personnage qui en outre exerce alors la charge de préfet de la Ville.
Aurélien poursuit les bandes barbares à travers l'Émilie jusque sur la façade adriatique et en Ombrie. Il les arrête à l'embranchement de la Via Flaminia qui ouvre la route vers Rome et c'est là qu'ont lieu les premières victoires impériales, sur le Métaure et à Fano. Le refoulement des barbares vers le nord est de nouveau marqué par une victoire près de Ticinum-Pavie. Après plusieurs mois, la guerre se conclut à proximité du Danube, sur le limes de Rhétie, où les Juthunges chargés de butin et ralentis par leurs prisonniers sont enfin rattrapés par l’armée impériale et contraints de négocier. La campagne contre les Alamans et les Juthunges occupe les premiers mois de 271, sa conclusion victorieuse vaut à Aurélien le titre Germanicus Maximus.

Entrée d’Aurélien à Rome et guerre des monétaires

Aurélien fait son entrée à Rome à la mi-271. Il s'emploie à y faire cesser l'agitation et à assurer la fortification de la capitale ainsi que celle d'autres cités d'Italie, suivant en cela la politique de Gallien : à Rome, les travaux nécessités par cette enceinte de presque 19 kilomètres ne seront achevés que sous le règne de Probus.
Mais la situation à Rome exigeait d'autres mesures : après la première émission au nom d'Aurélien, les ouvriers monétaires de l'atelier de Rome avaient repris les manipulations et les fraudes auxquelles ils s'étaient déjà accoutumés depuis les dernières années du règne de Gallien, volant sur le titre et le poids de la monnaie argentée. Pendant ces quelques mois de la fin 270-mi 271, sans qu’on puisse évaluer la part de complicité du rationalis Félicissimus, ils avaient inondé la circulation monétaire d’antoniniens avilis au nom de Claude divinisé (Divo Claudio), la série de consécration ordonnée à l'origine par Quintille, puis reprise à son compte par Aurélien.

Une fois la situation extérieure rétablie, Aurélien peut réprimer ces abus des monétaires que ni Gallien, ni Claude, ni Quintille, presque toujours retenus en dehors de Rome par le danger barbare, n'avaient pu enrayer. Les ouvriers monétaires, se sentant menacés, se révoltent et leur soulèvement est écrasé dans le sang. L'atelier de Rome est fermé, un fait inouï, mais une mesure inévitable, et ses graveurs exilés. Le personnel qualifié est envoyé à Serdica pour y ouvrir un atelier monétaire dans ce qui sera la capitale de la future province de Dacie : ainsi c’est dès le milieu de l'année 271 que l'abandon des territoires transdanubiens a été décidé

En effet, les données militaires et politiques ont changé en effet en quelques mois. D'après Zosime, les difficultés d'Aurélien en 271 avaient suscité l'apparition de trois usurpateurs : Septiminus, Urbanus et Domitianus. Urbanus n'est pas autrement connu ; l'Epitomè indique que Septiminus prit le pouvoir en Dalmatie avant d'être rapidement éliminé par ses soldats. Quant à Domitianus, il s'agit non pas d’un rival d’Aurélien, mais d’un compétiteur de Tétricus qui lui disputa un temps la place à la tête de l’empire gaulois (Tétricus accède au pouvoir au printemps de cette année 271) : Domitianus nous est désormais connu par deux monnaies, émise par l’atelier II (Trèves) de l’empire gaulois. S’il est identique au général homonyme mentionné par l’Histoire Auguste, qui joua sous le commandement d’Auréolus un rôle important en Illyricum en 261 dans l’élimination des Macriens, ce Domitianus aurait donc suivi Auréolus à l’ouest au moment où ce dernier exerça face à l’empire gaulois son commandement unifié per Raetias. Ces menaces sont pourtant sans commune mesure comparées à celle que l’expansion palmyrénienne fait courir à l’Empire.

La première campagne contre Palmyre (été 271-été 272)

Aurélien part de Rome à l'été 271. Le thème de la reconquête de l’Orient est aussitôt inauguré par les monnaies de Milan, le seul atelier actif en Italie depuis la fermeture de Rome, et se propage vers l'est à la suite des armées impériales. La propagande y est à l’œuvre : les Palmyréniens, alliés de naguère, sont assimilés aux Sassanides, ennemis de toujours. En effet, le répertoire iconographique adopté pour ces émissions de Restitutio Orientis, avec ses revers à double personnage, est décalqué du règne conjoint de Valérien et de Gallien : c’est celui qui avait été publié par les ateliers monétaires orientaux au moment des guerres contre Sapor.

Lors du passage d’Aurélien et de son armée dans les Pannonies, une émission d'or émise à Siscia célèbre enfin son premier consulat, revêtu le 1er janvier 271, que les campagnes militaires du début de l’année avaient empêché de fêter.

Une série de mesures s’inscrit dans le cadre de la réorganisation du limes danubien, de l’Illyricum au Danube inférieur. Au moment de combattre Palmyre en Orient, Aurélien ne doit pas laisser derrière lui de régions insuffisamment pacifiées et protégées ; par ailleurs, la reconquête orientale demande des troupes. La Dacie transdanubienne, déjà largement démilitarisée par Gallien, est évacuée : les légions V Macedonica et XIII Gemina sont désormais cantonnées sur la rive droite du Danube, à Oescus et Ratiaria ; la population romanisée est repliée dans la Dacie d’Aurélien. La nouvelle province de Dacie, prise sur le territoire des deux Mésies, reçoit son organisation administrative et militaire ; l’atelier monétaire de Serdica, qui fonctionne déjà depuis plusieurs mois grâce au transfert des ouvriers monétaires exilés de Rome, monte en puissance. Un atelier monétaire supplémentaire, à la position géographique encore non identifiée ("Atelier balkanique indéterminé"), est ouvert au tournant 271-272 afin d’assurer la production du numéraire nécessaire à la guerre orientale à côté des Monnaies de Serdica et de Cyzique.

Des opérations militaires visent à restaurer la sécurité sur le limes, en particulier contre les Goths danubiens. La victoire remportée au sud du Danube par Aurélien sur les troupes du chef gothique Cannabaude que rapporte l’Histoire Auguste est sans doute fondée sur une réalité historique. Il est certain que des succès gothiques furent remportés : la tradition historiographique met au crédit de ces victoires militaires d'Aurélien la relative tranquillité des Goths par la suite. En fait, l’abandon de la Dacie leur ouvrait un vaste territoire où s’implanter, comme aux peuples que leur migration acculait aux frontières romaines.
Aurélien reçoit alors le titre de Gothicus Maximus. Cependant l’épithète n’apparaît pas ainsi sur les monnaies. La 3e émission de l’atelier de Cyzique, qui date de la fin 271, célèbre le passage d’Aurélien du côté asiatique des Détroits avec le revers Adventus Aug et commémore sa récente victoire avec le type Victoria Gern (sic), c’est-à-dire Victoria Germanica, et non Gothica.

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