272 : Postumius Quietus, (Iunius) Veldumnianus coss.
Pour les campagnes contre Palmyre, Zosime est notre source la plus détaillée. L'armée d'Aurélien traverse l’Asie Mineure au printemps 272, dont les cités, Ancyre, Tyane « et toutes les autres villes à la suite jusqu’à Antioche » sont reconquises sans difficulté. Si Palmyre avait pu s’emparer militairement d’une grande partie de l’Anatolie, elle ne semble pas avoir été en mesure de maintenir sur place des forces armées en nombre suffisant. L’adhésion des cités et des populations civiles à la domination palmyrénienne paraît en outre avoir été assez tiède. Au moment où les troupes impériales franchissent le Taurus et entrent en Syrie, les princes de Palmyre ne peuvent plus se méprendre sur les intentions de l’empereur : Zénobie et Vabalath font alors l'ultime pas vers l’usurpation en se proclamant seuls Augustes.
Les ateliers monétaires sous leur domination, Antioche en Syrie et Alexandrie en Égypte, abandonnent alors la frappe des monnaies conjointes aux effigies d’Aurélien et de Vabalath pour ne plus battre monnaie qu’à l’effigie des nouveaux Augusti, Vabalath et Zénobie : la reine fait alors son apparition sur le monnayage.
Cette ultime étape de l’usurpation palmyrénienne peut se dater : le dernier papyrus conjoint au nom d’Aurélien an 2 / Vabalath an 5, porte la date du 17 avril 272. On ne connaît pas de papyrus au nom des Augusti palmyréniens. Il existe par contre un certain nombre de tétradrachmes au nom d’Aurélien seul, an 2 qui démontrent qu’Alexandrie est déjà revenue dans le giron de Rome avant que le comput régnal d’Aurélien soit corrigé, son an 2 devenant son an 3. Un papyrus d’Oxyrhynchite (P. Oxy. 2902) au nom d’Aurélien seul, an 3, date du 24 juin 272 : il montre que la correction du comput régnal était déjà entérinée à cette date dans l’ensemble de l’Égypte. L’usurpation palmyrénienne à proprement parler est donc contenue entre ces bornes et n’a donc duré que peu de semaines, de mars à mai 272 en Syrie, de mi-avril à début-juin pour l’Égypte.
En mai 272, la cavalerie romaine et celle des Palmyréniens s'affrontent non loin d’Antioche, à proximité d’Immae. Les lourds cataphractaires palmyréniens sont battus. À cette nouvelle, l’armée du général Zabdas abandonne secrètement la ville d’Antioche pour se replier vers Émèse. La cité d’Antioche se rend à Aurélien, qui fait preuve de clémence à l'égard de la population. Les émissions au nom de Vabalath et de Zénobie Augustes sont immédiatement interrompues. La frappe au nom d’Aurélien commence ; dès lors, l'empereur est salué du titre de Restitutor Orbis qui apparaît d’abord au revers des monnaies antiochènes avant de se diffuser d’est en ouest dans tous les ateliers monétaires de l’empire.
L'Égypte est au même moment reprise par les généraux d’Aurélien et l'atelier monétaire d'Alexandrie rendu aux émissions au nom d'Aurélien seul empereur. La reconquête de l'Égypte offre l'occasion à l'empereur de corriger le comput de ses années de règne. Avant le 29 août 272, date de la nouvelle année régnale égyptienne, les tétradrachmes égyptiens portent la mention de l'an 2 d'Aurélien (sans Vabalath) ; les documents égyptiens, monnaies et papyri, mentionnent ensuite son an 3 (fin juin-août 272) ; enfin à partir du 29 août 272, les documents seront datés de son an 4. Aurélien fait ainsi remonter son dies imperii avant le 29 août 270, c’est-à-dire à la mort de Claude II, ce qui lui permet de réduire le règne de Quintille à une simple usurpation et de se présenter comme le successeur légitime du Gothique.
Après ses premiers succès à Antioche, l'armée impériale remonte l'Oronte à la poursuite des Palmyréniens. Apamée, Larissa et Aréthuse sont reprises, d’autant plus facilement que les populations civiles avaient été rassurées sur l’attitude de l’armée romaine à leur égard. Devant Émèse a lieu la première et la seule bataille rangée entre l’armée romaine et celle des Palmyréniens. La composition de l’armée romaine qu’évoque Zosime montre que les corps de troupes de Mésopotamie, de Syrie, de Palestine et de Phénicie - c’est-à-dire ceux qui depuis l’été 270 étaient passés sous commandement palmyrénien - se sont déjà ralliés à l’armée d’Aurélien,
La cavalerie romaine tente de renouveler devant Émèse la tactique qui lui avait si bien réussi à Immae, en essayant d’entraîner derrière elle les cavaliers palmyréniens. Mais la manœuvre manque de tourner à la catastrophe, car cette fois les fantassins sont engagés, et la cavalerie palmyrénienne tourne le front romain sur ses deux ailes, le menaçant d’encerclement. La rapidité de réaction de l’infanterie romaine, qui met à profit la désorganisation des lignes palmyréniennes avant d’opérer une conversion pour se tourner contre la cavalerie ennemie, permet de sauver la situation. Cette victoire militaire fait sauter l'ultime verrou sur la route de Palmyre.
La propagande impériale situe lors de la bataille d'Émèse l'intervention miraculeuse du dieu Sol : c'est l’épiphanie fondatrice de la religion solaire. La chronologie donnée par l’Histoire Auguste est exacte, puisque c’est à partir de l'été 272 que l'iconographie solaire, avec des types monétaires très variés représentant le dieu Sol combattant avec les légendes Conservat Aug, Oriens Aug et Soli Invicto est inaugurée par l’atelier d’Antioche, avant de se répandre massivement de proche en proche vers l’ouest dans tous les ateliers de l'empire. Au même moment, Aurélien abandonne le titre de Restitutor Orientis pour celui de Restitutor Orbis.
Après la traversée du désert syrien, l’armée romaine met le siège devant Palmyre. Les murailles de Palmyre se réduisent en 272 à une vaste enceinte peu défendable, constituée au nord de la cité par une simple levée de terre, destinée à la protéger des attaques des nomades mais incapable de retenir bien longtemps l’assaut d’une armée impériale. Zénobie est capturée tandis que, fuyant sa cité, elle s'apprêtait à franchir l'Euphrate. Les habitants de Palmyre, divisés sur la conduite à tenir, se rendent enfin à Aurélien qui fait de nouveau preuve de clémence. Entre la bataille d’Émèse (juin 272) et la prise de Palmyre ne durent s’écouler que quelques semaines. Une inscription de Palmyre, en effet, indique qu'en août 272 la cité était passée dans les mains romaines avec l’aide active de certains de ses notables : l’inscription honore le thiase des prêtres de Bêl, présidé par le symposiarque Haddûdan, dont le principal titre de gloire est d'avoir « aidé les troupes d'Aurélien César, notre maître », apparemment lors de la reddition de la ville. Elle prouve qu’à Palmyre même, l’aventurisme de Zénobie était loin d’être soutenu par tous.
Palmyre est ainsi vaincue en juilllet-août 272, en apparence du moins. Aurélien fait retour à Émèse où sont jugés Zénobie, ses conseillers, parmi lesquels le philosophe Longin qui sera exécuté, et probablement ses généraux, Zabdas et Zabbaios. La propagande romaine assimilera la victoire sur Palmyre à une revanche sur les Perses sassanides par l’adjonction à la titulature d'Aurélien des épithètes Persicus Maximus et Parthicus Maximus ; un type monétaire de l’atelier balkanique de Siscia porte la légende Victoria Partica, un thème que développe aussi l'Histoire Auguste. Mais il n’y eut pas d’expédition militaire romaine contre les Sassanides : la Perse sassanide n'a pas fait un mouvement en faveur de Palmyre. Au contraire, la dynastie hairanide sous le règne d'Odénath avait bâti son influence militaire en Orient aux dépens des intérêts sassanides ; des rivalités économiques tout autant que territoriales opposent la cité caravanière à la Perse pour le contrôle des voies du commerce extrême-oriental.
2e campagne contre Palmyre et répression des troubles en Égypte (fin 272-automne 273)
Aurélien fait retour vers l'Europe à l'automne 272 en confiant à Marcellinus la préfecture de Mésopotamie et la charge de l'Orient. Il traverse les Détroits en octobre-novembre 272 et doit mener aussitôt sur le sol européen, en Thrace ou en Mésie inférieure, une campagne contre les Carpes. Zosime indique que l’empereur faisait route vers l’Europe lorsqu’il apprend la révolte de Palmyre, ce qui paraît inexact. Il faut suivre ici plutôt le récit de l'Histoire Auguste, la seule source qui relate la campagne carpique en la plaçant entre les deux expéditions contre Palmyre. En effet, l'inscription la plus haute à faire figurer le titre de Carpicus maximus dans la titulature d'Aurélien est un milliaire trouvé en Mésie Inférieure, à Callatis. Datée du consulat et de la 3e puissance tribunicienne d’Aurélien, la borne a donc été érigée entre le 10 décembre 271 et le 10 décembre 272. Par ailleurs, outre Carpicus maximus, Aurélien y porte les titres Particus, Gutticus (sic), Germanicus maximus : il a reçu le cognomen Parthicus au cours de l’été 272 ; il est Carpicus maximus à la fin de 272, encore revêtu de sa 3e Tr P, c’est-à-dire peu de temps avant le 10 décembre.